Des sept péchés capitaux, à la source de tous les autres, deux peuvent aller jusqu’au meurtre : la colère dans sa forme extrême de rage, et surtout la jalousie, qui ne supporte pas qu’une personne existe par elle-même, indépendamment de soi, ou de nous, qui ne reconnaît pas ou ne supporte pas la liberté de l’autre, son existence propre.
Voyez dans l’évangile de la Passion selon saint Marc l’interrogatoire de Jésus par le grand prêtre : Es-tu le Christ, le Fils de Dieu ?
Oui, c’est moi. Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir parmi les nuées du ciel.
Le grand prêtre déchire ses vêtements (Mc 14, 63).
Ce n’est pas du cinéma : il est fou de rage ! Il prend à partie l’entourage : Vous avez entendu le blasphème ! Tous prononcèrent qu’il méritait la mort.
Comme ils n’ont pas le droit de le tuer eux-mêmes, ils le livrent au gouverneur romain, Pilate qui est très embarrassé : « Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré » (Mc 15, 10).
Aujourd’hui encore, chaque jour, la jalousie va jusqu’au meurtre.
La jalousie est un des sentiments les plus répandus. Pas plus que les autres sentiments, elle n’a de valeur morale en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait, si on la laisse s’emparer de nous, ce que la jalousie fera d’autant plus qu’elle est une tentation de possession, une maladie de la possessivité, qui pense que ça nous appartient ou ça nous est dû. Elle est le ressort du piège tendu par le Diable à nos premiers parents quand il les a tentés avec l’arbre de vie au milieu du jardin : ‘C’est à vous, ça vous revient de droit’.
La jalousie est la cause du premier meurtre de l’histoire, d’Abel par Caïn, Caïn n’ayant pas supporté que les offrandes de son frère Abel soient agréées par Dieu, et pas les siennes. Non que les siennes fussent moins bonnes, au contraire ses offrandes animales avaient une valeur marchande supérieure aux fruits de la terre d’Abel. Il manquait la disposition du cœur.
C’est par jalousie que Caïn a tué son frère.
Nul n’a le droit de tuer, d’enlever une vie, en dehors d’une menace immédiate et réelle contre notre propre vie, le commandement de Dieu ne connaît aucune exception : Tu ne tueras pas. Qu’il s’agisse de crimes passionnels, d’avortement ou d’euthanasie. Tu ne tueras pas.
Tu ne tueras pas, parce que ce serait te prendre pour Dieu, t’arroger un pouvoir de vie et de mort qui n’appartient qu’à Dieu.
C’est en ce sens que la Bible dit de Dieu qu’il est un Dieu ‘jaloux’. C’était la 1ère lecture du 3ème dimanche de Carême, dans l’interdit de se prosterner devant des idoles et de les servir « car moi ton Dieu, je suis un Dieu jaloux » (Ex 20, 5).
L’Ecriture dit de Dieu qu’il est un Dieu jaloux pour rappeler que tout lui appartient, l’univers entier, « les profondeurs de la terre et les sommets des montagnes sont à lui ; à lui la mer c’est lui qui l’a faite, et les terres car ses mains les ont pétries » (Ps 94, 5) et pour prévenir ceux qui en douteraient que rejeter Dieu conduit à la mort éternelle.
« Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur » (Dt 30, 15). Choisis la vie.
Comment guérit-on de la jalousie ?
Par la conversion du cœur. Par un travail de décentrage de soi, de désappropriation de ce qui ne nous appartient pas. Ni Dieu, ni les personnes qu’on aime, ni soi-même. C’est une bonne question : est-ce que notre vie nous appartient ? Est-ce qu’on peut faire ce qu’on veut de sa vie, et, partant, de celle des autres, déjà de ceux qui nous aiment ?
Nous croyons nous Chrétiens que nous ne sommes pas propriétaires de notre propre vie, dont nous aurons chacun à rendre compte, de la façon dont nous aurons respecté notre corps, notre âme, respecté la dignité et la liberté intérieure de chaque personne.
Dans notre vie comme dans notre mort nous appartenons au Seigneur (Rm 14, 8).
Lui seul a le pouvoir de donner la vie et de la reprendre.
« Voici pourquoi le Père m’aime, dit Jésus, le Fils unique de Dieu : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10, 17-18).
Vivons cette Semaine Sainte dans cette confiance dans le Christ Jésus venu nous donner la vie, et nous délivrer du mal, notamment de la jalousie. Il nous aime chacun, personnellement, infiniment : c’est pour chacun de nous qu’il est mort sur la Croix.
Seigneur, délivre-nous du mal de la jalousie.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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