Comment se fera le tri ? Qui sera exclu ? Lorsque, « à la fin du monde, les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes », comment feront-ils ? Sur quoi se baseront-ils, sur quels critères ?
Sur l’amour. Il n’y a pas d’autre vérité en ce monde et dans l’autre.
« C’est pourquoi, écrit le Pape François dans sa Lettre du 19 juin dernier pour les 400 ans de la naissance de Blaise Pascal, je propose à tous ceux qui veulent continuer de rechercher la vérité – tâche qui en cette vie n’a pas de fin –, de se mettre à l’écoute de Blaise Pascal, un homme à l’intelligence prodigieuse qui a voulu rappeler qu’en dehors des visées de l’amour il n’y a pas de vérité qui vaille ».
« La vérité hors de la charité n’est pas Dieu », dit Pascal qui dit aussi : « L’unique objet de l’Écriture est la charité ».
Si vous vous demandiez encore quoi lire cet été, j’ai mis le texte de cette Lettre (de dix pages) ci-après : ‘Grandeur et misère de l’homme’ – Sublimitas et miseria hominis.
L’hommage est beau, de la part d’un Pape jésuite, quand on sait le conflit qui a opposé Pascal aux Jésuites de son temps. Pascal leur reprochait d’être excessivement sensibles à la grandeur de l’homme – davantage qu’à sa misère. Les Jésuites reprochaient quant à eux aux Jansénistes de trop insister sur sa misère, sur la conversion, sur la pénitence.
Que l’équilibre est difficile à trouver !
Certes, comme le souligne le Pape, Pascal était Catholique et convaincu que Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4), mais il lisait ce texte de saint Paul en entier : « En effet, il n’y a qu’un seul Dieu ; il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus »(1 Tm 2, 5).
La façon dont nous tenons ensemble ces deux phrases détermine notre relation au monde et aux personnes que nous rencontrons, suivant que nous privilégions l’universalité du Salut : ‘Dieu veut que tous les hommes soient sauvés’, ou la nécessité de passer par Jésus-Christ, unique médiateur, et donc par son Eglise, c’est-à-dire par la grâce des sacrements.
« Nous ne connaissons Dieu, dit Pascal, que par Jésus-Christ. Sans ce médiateur est ôtée toute communication avec Dieu ». Et Pascal a cette formule magnifique : « Dieu est le réparateur de notre misère. Ainsi nous ne pouvons bien connaître Dieu qu’en connaissant nos iniquités ».
Le Pape François cite en écho cette phrase de Jean-Paul II de sa Lettre sur la Foi et la Raison : « La foi libère la raison de la présomption ».
Les paraboles de l’évangile le disent à leur façon : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. La lampe du corps, c’est l’œil. Donc, si ton œil est limpide, ton corps tout entier sera dans la lumière » (Mt 6, 21-22).
Et dans l’évangile de saint Jean : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière – pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu » (Jn 3, 21).
Cette union à Dieu est un amour ‘exclusif’, de tout attachement qui nous sépare ou éloigne de Lui, et non pas ‘inclusif’ comme on voudrait le croire aujourd’hui, en trompant les gens sur les choix à faire, et sur les sacrifices : comment acheter ce champ ou cette unique perle, sans vendre tout le reste ?
Nous avons, en ce monde, à combattre l’exclusion, l’exclusion sociale, au nom du respect dû à toute personne, sans renoncer au respect de la Loi, ni l’absolutiser. Sans craindre non plus d’exclure, à titre ‘médicinal’, en vue de leur conversion, ceux qui ne respectent pas Dieu, qui ne respectent pas les autres, qui ne respectent pas la Loi. L’exclusion est un échec, mais son contraire, l’inclusion n’est pas la solution : elle est contraire aux exigences de Dieu, et à la nécessité de notre conversion. L’exclusion est un échec, l’inclusion est une illusion.
A chaque messe, à la Consécration, nous redisons cette parole du Christ : « Pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés ». Croyez-vous que cette ‘multitude’ est la totalité de l’humanité que le Christ est venu sauver ? N’est-elle plutôt pas l’expression des « nombreuses demeures » que Jésus promet : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? » (Jn 14, 2), avant d’ajouter qu’il est le Chemin, la Vérité et la Vie et que nul ne va au Père sans passer par Lui (Jn 14, 6) ?
Pascal dans ses Lettres des Provinciales considérait comme une tentation de vouloir « satisfaire tout le monde ». Il avait compris que la grandeur de l’homme est dans la connaissance de Dieu, dans une relation personnelle au Christ, et que la conscience de notre faiblesse appelle ‘pénitence et réparation’ – ‘si vous m’en jugez digne’ – disons-nous à la fin de notre confession. La dignité des enfants de Dieu tient à leur conversion.
Si l’exclusion est un échec, l’inclusion est une illusion
LETTRE APOSTOLIQUE SUBLIMITAS ET MISERIA HOMINIS DU PAPE FRANÇOIS
POUR LE QUATRIÈME CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE BLAISE PASCAL – Lire
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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