Dans quels cas ou à quelle conditions le manque de foi est-il un péché ?
Peut-être que les autres disciples avaient appliqué à Thomas ce que Jésus leur avait ordonnéen matière de correction fraternelle : « Si ton frère vient à commettre un péché, va lui faire des reproches seul à seul ». L’un d’eux était allé le voir. « S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins ». Ils y étaient allés. « S’il refuse de les écouter, convoque–le devant l’assemblée de l’Église » (Cf. Mt 18, 18). C’est là que se serait située la venue de Jésus, avec cette phrase si forte, devant tout le monde : « Cesse d’être incrédule » !
Etait-ce vraiment une faute, un péché de la part de Thomas ? Voilà ce que je vous propose d’examiner : dans quels cas le manque de foi est un péché, et pour cela de repartir des péchés capitaux, les péchés ‘sources’ qui sont à l’origine de tous les autres, en commençant par le plus répandu : l’orgueil.
C’est la première cause de manque de foi, et la caractéristique de tous les incroyants : cela ne veut pas dire que tous les croyants soient des modèles d’humilité, mais je vous mets au défi de trouver un humble impie. Dans l’incroyance contemporaine, la fierté de l’homme devant ses prouesses technologiques n’a d’égale que son aveuglement devant sa vocation divine et sa médiocrité morale.
Jésus n’a pas choisi ses apôtres pour leur humilité : il suffit de voir la réaction de Nathanaël quand Philippe lui dit qu’ils ont trouvé le Messie, ou la réaction de Pierre quand Jésus lui propose de repartir jeter les filets alors qu’il n’avait rien pris de la nuit …
En revanche, après trois ans passés avec Jésus, son humilité a forcément ‘déteint’ sur eux, les a imprégnés, de son onction. Et Thomas comme les autres s’est laissé corriger, purifier, parfois humilier …
Les six autres péchés capitaux se répartissent en deux groupes, dont le premier est composéde péchés de mollesse, de sensualité au mauvais sens du terme : la paresse, la luxure et la gourmandise – disons impureté plutôt que luxure pour les trois initiales mnémotechniques :Paresse, Impureté, Gourmandise, PIG.
La paresse est la deuxième plus grande cause de manque de foi, après l’orgueil. La foi est un don de Dieu, qui se reçoit, s’accueille humblement et qui se travaille et s’entretient. Elle exigeun minimum de connaissances à acquérir : « La foi est un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (He 11, 1). Nous le verrons dimanche prochain, notons pour l’heure que les apôtres avaient des défauts mais ils n’étaient pas paresseux : ils n’auraient pas pu suivre Jésus.
En matière de foi, il s’agit le plus souvent de paresse intellectuelle, qui fait qu’on abandonnequand on ne comprend pas tout de suite. Les disciples ne comprenaient pas tout, loin de là, mais ils s’accrochaient. Quand Jésus leur dit : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! ». Thomasrépond : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » (Jn 11, 16). Magnifique !
La deuxième série de péchés ‘sources’ est constituée, au contraire de la première, de péchés de dureté, on pourrait dire de butée : la Colère, l’Avarice, la Jalousie – les initiales sont facilesà retenir : CAJ au sens d’enfermement, de blocages.
Le plus répandu, à égalité avec la paresse, de ces péchés en matière de foi, est la colère contre Dieu, quand on le tient pour responsable de ce qui nous arrive de mal, par défaut de connaissance de la différence entre Cause Première et causes secondes.
La Cause Première, c’est-à-dire Dieu, donne aux causes secondes, c’est-à-dire aux créatures que nous sommes, d’exister et d’agir, comme le dit saint Paul et aux philosophes d’Athènes :« C’est en Dieu que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17, 28), et dans la Lettre aux Philippiens : « C’est Dieu qui agit pour produire en vous la volonté et l’action, selon son projet bienveillant » (Ph 2, 13).
Les apôtres n’avaient aucune colère contre Jésus. Peut-être contre ses meurtriers, mais ils s’envoulaient à eux-mêmes de l’avoir abandonné, malgré leurs serments. Le seul à s’être endurcifut Judas qui retourna sa colère contre lui.
Tous ces péchés, orgueil, paresse, colère, ont en commun d’être des péchés d’immobilité, qui empêchent d’avancer, de progresser, de grandir dans la foi, quelles que soient les épreuves.
La foi se reçoit, elle s’accueille, humblement, se partage avec des frères, que Thomas est allé retrouver, car elle repose sur quatre piliers, quatre courroies de transmission : l’Eglise ! « Il est impossible de croire seul » (Lumen Fidei, n. 39) : « Il est possible de répondre à la première personne, ‘je crois’, seulement si l’on appartient à une large communion, seulement parce que l’on dit aussi ‘nous croyons’ ».
Le 2ème sont les sacrements. Thomas était présent huit jours après, le dimanche suivant, ‘pour la messe’ : « la foi a une structure sacramentelle. Le réveil de la foi passe par le réveil d’un nouveau sens sacramentel de la vie de l’homme et de l’existence chrétienne, qui montre comment le visible et le matériel s’ouvrent sur le mystère de l’éternité » (Lumen Fidei, n. 40).
Les deux autres piliers sont les dix Commandements, et au moins Thomas, repris par Jésus, ne ment pas, – et la prière, en particulier le Notre Père.
Tels sont les quatre piliers de la foi : la communion des croyants, la pratique des sacrements, le respect des commandements, la prière. Ils sont récapitulés dans la 1ère lecture : la communion fraternelle et la fraction du pain, la prière et le partage des biens (Ac 2, 42).
Thomas a écouté ses frères et huit jours après il était avec eux, à prier. Belle preuve d’humilité, et de courage. « Mon Seigneur et mon Dieu ! » son cri dit son enthousiasme et sa générosité.
J’ai longtemps cru que le mois d’Avril était le seul mois de l’année sans fête de la Vierge Marie jusqu’à ce que je découvre la fête le 26 avril (depuis 1467) de Notre-Dame du BonConseil ! C’est la seule chose que nous puissions dire à ceux de nos proches qui ne croient pas : si tu ne suis pas mon exemple, suis mon conseil. Comme les apôtres ont conseillé à Thomas de rester avec eux, et de les croire sur parole. Quelle raison aurait-il eu de ne pas les croire ? Ils n’étaient pas meilleurs que lui ? C’est ce que nous disent les incroyants : vous n’êtes pas meilleurs que nous. (Peut-être, mais on se soigne).
Recevez l’Esprit-Saint, dit Jésus. La foi se reçoit, comme l’Esprit-Saint, de Jésus-Christ.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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