Dimanche des Rameaux et de la Passion - 2 avril 2023

Mt 26, 14 – 27, 66

 

J’ai célébré les obsèques d’une femme épatante qui avait atteint l’âge de 98 ans après avoir traversé tant d’épreuves dans sa vie : la guerre, l’abandon petite fille par son père, la pauvreté, un mariage tardif n’ayant jamais osé ramener personne là où elle vivait, elle n’avait pas eu d’enfant, mais elle avait gardé envers et contre tout un optimisme à toute épreuve, restant toujours souriante et enjouée. Sa filleule m’a dit : sa seule demande pour sa messe d’Adieu est qu’on chante ‘Nous irons tous au Paradis (même moi)’.
J’ai répondu : pas de problème, j’aurai passé l’homélie à dire que c’est une hérésie.

Ce que je n’ai évidemment pas fait. J’ai rappelé la différence entre l’optimisme et l’espérance – c’est le Christ. En lui notre Espérance. Et j’ai essayé de faire une relecture spirituelle de sa vie, à la lumière de l’Esprit.
Et à la fin, à la sortie du corps, nous avons chanté : ‘Nous irons tous au Paradis (même moi)’.

S’il y a bien un jour où chacun peut comprendre que c’est une hérésie, c’est aujourd’hui, à la lecture de la Passion, vu ce que Jésus a subi. Vous trouveriez normal que ses bourreaux aillent au Paradis ? Bien sûr nous espérons que nombre de ceux qui auront participé à son supplice se seront repentis. Qu’au soir de leur vie, se trouvant devant lui, ils se seront jetés à ses pieds et demandé pardon … Mais, tous ? Qui peut le penser ?

Le Salut pour tous, universel ou automatique, s’appelle apocatastase, ‘rétablissement’, restauration finale de toutes choses, de toutes les créatures dans leur beauté d’origine, des hommes comme des démons qui deviendront tous, par un coup de baguette magique ? des saints et des anges. Tous au Paradis ?

L’Eglise, au 2ème Concile œcuménique de Constantinople en 553, l’a solennellement rejeté : « Si quelqu’un dit que tous les hommes, le diable, les Puissances du mal seront unis pareillement au Dieu Verbe et de la même manière que le Christ, qu’il soit anathème ».

Beaucoup, naïvement ? le croient ou y ont cru, y compris Origène, pourtant un des plus grands commentateurs de l’Ecriture, qui a cru au Salut des bons comme des méchants.

Ils avaient raison sur un point : il faudra être Saint pour entrer au Paradis.

C’est le chemin de notre vie. Chemin de vérité et de vie, qui nécessite notre participation et notre engagement, « de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toutes tes forces », pour lequel notre bonne volonté, notre volonté du bien, est nécessaire et pas suffisante. Nos forces ne suffisent pas. Nous avons besoin de Dieu. De son aide et de son secours : sa grâce.

Maintenant, pourquoi est-ce que tous n’iront pas au Paradis, pourquoi est-ce que tous ne seront pas sauvés alors que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tim 2, 4) ?

Ce n’est pas un défaut de la bonté de Dieu.

Mais la nature de l’amour : l’amour ne passe pas en force.

Pour être sauvé, il faut reconnaître que Jésus est Sauveur !

« Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé » (Rm 10, 9).

Et cela implique d’être capable de reconnaître ses torts, et de demander pardon.

Le mystère du mal n’est pas tant celui que nous sommes capables de faire, mais la mauvaise foi, la malhonnêteté avec laquelle nous sommes capables de nous dédouaner, de nier.
Le mystère le plus terrifiant n’est pas tant le mal dont nous sommes capables, que celui que nous refusons de reconnaître, et de demander pardon.

Qui es-tu Seigneur ?

« Je suis Jésus que tu persécutes ».

Le Livre des Actes des Apôtres relate par trois fois la réponse de Jésus à Saul, un parfait serviteur de la Loi (Ac 9, 5 ; 22, 8 ; 26, 15). Combien de temps lui a-t-il fallu pour retrouver la vue, pour devenir saint Paul ?

Voilà pourquoi nous irons nous confesser cette semaine, et c’est ce qui lui donne son nom de Semaine sainte : les Saints ont tous demandé pardon.

C’est au Christ qu’il faut le demander.

Ceux qui croiront au Christ seront sauvés.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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