Quand Jésus a appelé ses disciples, il a commencé par des frères, deux paires de frères. Les évangélistes ne sont pas d’accord sur la chronologie : saint Jean dit que Jésus a appelé André en premier et qu’André a ensuite amené Pierre à Jésus : nous avons trouvé le Messie ! C’est pourquoi la Tradition appelle André ‘Protoclet’, ‘Premier appelé’ par le Seigneur.
Or, tout ‘Premier appelé’ qu’il fût, André n’a pas fait partie du trio composé des seuls Pierre, Jacques et Jean, que Jésus prend avec lui à la Transfiguration, à la résurrection de la fille de Jaïre, à Gethsémani.
Pierre, Jacques et Jean. Et pas André. Comment l’a-t-il vécu ? Comment André, qui a été appelé en premier et a présenté Pierre à Jésus, a-t-il vécu le choix de Jésus de lui préférer Pierre, de choisir Pierre pour être le premier des apôtres, et le fait de devoir, lui André, laisser la première place à son frère ?
L’évangile n’en dit rien. Par une sorte d’effet papillon (de la formule choc de 1972 : ‘le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?), l’explosion a eu lieu dix siècles après, au schisme de 1054 entre l’Orient et l’Occident, entre les tenants d’André et du siège de Constantinople, les Orthodoxes contre les Latins et la Primauté de Pierre et de Rome. Le 16 juillet 1054, la date a été exorcisée en 1251 pour devenir la fête de Notre-Dame du Mont Carmel.
Ce grand schisme est en parfaite contradiction avec la 2ème lecture de ce dimanche : « Frères, qu’il n’y ait pas de division entre vous ! » (1 Co 1, 10). « Chacun de vous prend parti en disant : Moi, j’appartiens à Paul, à Pierre, à André … Le Christ est-il donc divisé ? ».
Et dans la Lettre aux Philippiens : « Recherchez l’unité » (Ph 2, 2).
Cela prend du temps : dix autres siècles avant que le Pape Paul VI et le Patriarche Athénagoras, successeurs de Pierre et André, l’évêque de Rome et le patriarche de Constantinople se rencontrent en 1964 à Jérusalem, le jour de l’Epiphanie. Athénagoras de Constantinople a offert à Paul VI une icône représentant Pierre et André qui s’embrassent, symbole de la marche vers l’unité. Paul VI a fait restituer les reliques de saint André à l’évêque de Patras, en Grèce, là où André avait été crucifié.
Ne l’avait-il pas été, André, ‘crucifié’, quand Jésus lui avait préféré Pierre ?
Il ne se passe pas de semaine sans qu’une personne me parle de rivalités fraternelles, taraudée par la douleur lancinante de ne pouvoir s’entendre entre frères et sœurs. C’est un mélange de frustrations rentrées depuis l’enfance, de tensions attisées par les parcours et situations de vie, durcies par les tiers, catalysées par les pièces rapportées, l’héritage étant l’étincelle qui provoque l’explosion.
‘Mon père, je ne m’entends pas avec mon frère, avec ma sœur’. Ce sont rarement des débats d’idées ! Plutôt des postures morales, des jugements à l’arrache, et des paroles assassines, des écarts de langage, impossibles à rattraper, difficiles à pardonner.
Y avait-il, y a-t-il eu des tensions entre Pierre et André ? La question se posait entre les disciples de savoir qui était le plus grand.
Pourquoi Jésus a-t-il choisi Pierre ? Pourquoi l’a-t-il préféré aux autres et à André ?
Il l’a choisi en raison de son plus grand amour. On le voit à la fin de l’évangile de saint Jean quand le Christ ressuscité interroge Pierre en présence de six autres disciples : « Est-ce que tu m’aimes plus que ceux-ci ? » (Jn 21, 15). « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime ! ».
Jésus l’avait dit à un autre Simon qui le regardait de travers à cause d’une femme pécheresse : « ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour »(Lc 7, 47).
Frères et sœurs, mes amis, recherchons l’unité.
Saint Paul dit comment faire dans le Christ : quand on se réconforte les uns les autres, quand on s’encourage avec amour, quand on est en communion dans l’Esprit, quand on a de la tendresse et de la compassion (cf. Ph 2, 2).
Ce sont les dispositions qui sont dans le Christ Jésus.
Laissons-le nous réconforter, nous encourager, nous faire entrer en communion dans l’Esprit, aimons sa tendresse et sa compassion. Recherchons l’unité.
Vous vous souvenez de la parole d’Isaïe au roi Acaz, que nous entendions juste avant Noël, au 4ème dimanche de l’Avent, quand il lui annonçait la venue du Christ, Dieu-avec-nous : « Écoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! » (Is 7, 13). Les disputes sont fatigantes. Frères et sœurs, faisons la paix dans le Christ !
« Recherchez l’unité ».
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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