Le jour de Noël, comme le jour de Pâques, nous sommes enclins, tentés, à la messe, de parler à voix basse, tout doucement, de célébrer de façon feutrée, non par égard, à Noël pour l’enfant-Jésus qui dort et ses parents qui récupèrent, ni à Pâques en pensant à ceux qui sont encore dans les tombeaux, – mais à cause de ceux qui se sont couchés tard cette nuit ! et qui ont peu dormi. Presque tout le monde s’est couché tard, pas forcément pour réveillonner, pour certains pour suivre à la télévision une vraie messe de minuit … Et donc ce matin il ne faudrait pas faire trop de bruit …
Dites-ça aux anges !
Les anges dans nos campagnes !!
ont entonné l’hymne des cieux
Et l’écho de nos montagnes redit ce chant mélodieux :
Gloria, in excelsis Deo
Comment ça, les anges ne sont plus là, ils sont allés se coucher ?!
Sûrement pas ! C’est mal les connaître ! Le propre des Anges est d’être continuellement, éternellement dans la louange ! Mieux encore : l’enthousiasme ! Ce qui caractérise les Anges, c’est l’enthousiasme !
Notre époque n’aime pas beaucoup ça, l’enthousiasme. Il suffit de voir la connotation plutôt négative des verbes exalter, exulter, où le premier, la personne exaltée manquerait de sagesse et le deuxième, de retenue et de discrétion, alors que ce sont les paroles de la Vierge Marie, dans son Magnificat : mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante, s’enthousiasme-t-elle et c’est ce que nous aimons chez elle : Marie est enthousiaste de Dieu, son égo passe au second plan, toute en modestie malgré ses qualités.
L’enthousiasme diffère de la passion en ce que, au moins en son sens originel, l’enthousiasme est d’inspiration divine, tandis que, lorsque nous parlons de la Passion du Christ, le mot renvoie à la folie des hommes. L’enthousiasme appartient au sacré, il en a la dimension ‘verticale’, de l’admiration.
C’est un mot qu’on pourrait rajouter dans l’hymne de saint Paul à la Charité : l’amour prend patience, l’amour rend service. L’amour ne cherche pas son intérêt , il ne calcule pas, il n’est pas mesquin, il est enthousiaste.
Et il y a de quoi !
Il est juste que les anges ce matin au jour de Noël, soient au comble de la joie. Jésus dit qu’ils le sont, dans la joie, pour un seul pécheur qui se convertit … Combien plus ! Imaginez pour ce qui est la cause de la conversion de tous les pécheurs : la venue de Dieu petit enfant, pour que nous redevenions comme des enfants, émerveillés de la Grandeur du Père, attachés aux deux seuls sujets qui importent : l’amour, tout enfant veut être aimé, et la vérité, les enfants détestent qu’on les trompe, qu’on ne les respecte pas, qu’on leur parle ‘pas vrai’. Ils acceptent qu’on ne leur dise pas tout, qu’il y ait des choses qui ne les regardent pas, qui ne soit pas de leur âge, mais de mensonge, non ! Ils ont, à la naissance, un détecteur de mensonges, d’instinct, que nous perdons à l’âge de raison ..
Ah, l’enthousiasme des anges à Noël, à la naissance du Sauveur ! Ils chantent, et ils chantent – c’est la liesse, le bonheur, le délire.
A Pâques, c’est différent : ils sont (encore) sous le choc. Au petit matin, les anges sont au tombeau, ils vont à la rencontre des saintes femmes, mais ils ont du mal à se remettre du déchaînement de violence.
A Noël, c’est la Vie qui apparaît dans toute sa splendeur : la vie était la lumière des hommes ! Elle a brillé dans les ténèbres, dans la nuit froide, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Elle était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Et à tous ceux qui l’ont reçue, il est donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, et nous le sommes !!
Est-ce que les Apôtres, les disciples que Jésus a appelés auprès de lui, étaient des hommes de caractère enthousiaste ? De caractère oui, enthousiastes, pas sûr. En revanche, ils avaient le sens du sacré, une capacité d’adoration, d’émerveillement, d’admiration, et nous le sommes tous devant Jésus, pas tant pour ses miracles qu’en l’écoutant, en buvant ses paroles.
Je me souviens d’une maman, une Africaine qui élevait seule son enfant, Franck, dix ans, et le rêve de la maman était d’aller à Lourdes. Son salaire ne le permettait pas quand, par une providence extraordinaire, elle touche une prime et ils y vont. Arrivés là-bas, dans les rues de Lourdes : ‘Regarde Maman ! Regarde !’ La maman ne comprend pas. ‘Regarde Maman ! Regarde !’. Et au bout d’un certain temps : ‘Regarde comme c’est propre’. Il n’a pas dit : ‘Comme c’est bien rangé’ – mais comme c’est propre !
La capacité de désordre fait partie de l’enthousiasme. C’est la condition pour accueillir des enfants. Mais comme c’est propre, les rues balayées, tout nettoyé. Peu lui importaient les commerces, le charivari, tout ce qu’on veut : pour cet enfant, la merveille était la réponse au désir profond de son cœur, de pureté, de propreté, d’entretien, de soin, de pardon. C’était beau parce que c’était entretenu, soigné.
L’enthousiasme n’empêche pas la déception, l’impatience, la frustration. L’enthousiasme n’a pas peur de la réalité. C’est la grande leçon de l’évangile après la mort de Jésus, quand les disciples se barricadent, se renferment, bouleversés et effrayés. Et Jésus était là, au milieu d’eux. Ils auraient pu se disputer, se séparer, partir chacun de leur côté.
L’amour s’entretient, l’enthousiasme aussi. L’amour ne disparaît jamais. Parfois il s’oxyde. Nous le savons, nous prêtres dont nos calices, les vases sacrés, argentés ou dorés, sont à entretenir et nettoyer. C’est du travail, de l’entretien. Qui fait plaisir à voir, – imaginez pour notre âme ! Notre conscience : purifiée par le Christ, pour le Christ.
Ce n’est pas le bonheur qui rend enthousiaste : c’est l’enthousiasme qui rend heureux.
Exultons de joie, exaltons l’amour de Dieu, telle est notre joie, la joie de Noël, en attendant de partager un jour auprès de Dieu, l’enthousiasme des anges !
Glo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-ria, in excelsis Deo !
Glo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-ria, in excelsis Deo
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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