En ce mois de juillet, j’ai participé à l’un de ces dîners de l’été qui mêlent les générations et toutes sortes de personnes qui n’avaient pas de raisons de se rencontrer. Ce n’était pas dans un jardin mais dans un appartement parisien, protégé des moustiques. Nous étions une quinzaine, j’étais le seul croyant affiché, probablement le seul chrétien. Ma voisine de droite m’a battu froid. Ma voisine de gauche, la nièce de mes hôtes, m’a demandé ce que je faisais dans la vie, depuis combien de temps j’étais prêtre, et comment je faisais pour garder la foi. La question m’a surpris. J’ai répondu que ma foi ne faisait que grandir avec la diversité des personnes que je rencontrais. J’ai pensé ensuite, quand elle m’a dit qu’elle se mariait en septembre, dans une cérémonie laïque animée par ses cousines, qu’elle s’inquiétait peut-être pour son couple : comment faire pour garder le feu sacré ? C’est le sujet de l’évangile de ce dimanche, une exhortation à la vigilance qu’on est plutôt habitué à entendre au moment de l’Avent : « Tenez-vous prêts, c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra ». Il est sûr que si le retour du Christ dans la Gloire se faisait là, maintenant, beaucoup seraient‘douchés’ : ‘Pas au mois d’Août, Seigneur !’.
Comment faire pour garder la foi ?
Comment faire pour que le Seigneur nous trouve au taquet, comme de bons serviteurs, en tenue de service, la ceinture autour des reins et nos lampes allumées : la ‘ceinture de la vérité’suivant l’expression de saint Paul dans la Lettre aux Ephésiens (Eph 6), fixant la ligne à ne pas dépasser, et la lumière de l’Esprit-Saint.
Se tenir prêt, fin du monde ou pas, n’est pas le bout du monde. C’est une des premières choses que je dis aux fiancés : des générations d’hommes et de femmes y sont arrivées avant vous, depuis des siècles, à s’aimer dans la fidélité, c’est faisable, sauf à considérer la modestie comme un exploit. Il faut arrêter de ‘psychoter’, revenir à plus de simplicité : la foi, la confiance et la fidélité sont à la portée de tous. C’est le temps ordinaire de la foi.
Pour garder la foi, il faut faire comme avec les petits enfants, d’autres diraient avec les animaux domestiques : les nourrir, les soigner, les laver, les aérer, leur faire faire un minimum d’exercice, en un mot s’en occuper. La foi est un don de Dieu, qui nécessite qu’on s’en occupe. Elle est comparable au corps ou à l’intelligence : nos forces et notre santé dépend de notre alimentation. Les enfants comprennent très bien que s’ils passent leur temps devant écrans et jeux vidéo, ils deviennent idiots. Remarquez, on s’y fait facilement.
Comment, de quoi avez-vous nourri votre intelligence cette semaine ? Ce sont les vacances ? Justement ! Qu’est-ce que vous avez vu, lu, écouté, qui vous a ouvert l’esprit au point d’avoir voulu le partager ? C’est un des critères : si c’est bien, on veut le partager. Goûte ! Il faut que tu goûtes ça, c’est trop bon ! On avait à la messe en semaine il y a dix jours la parabole de Jésus sur « le royaume des Cieux comparable à un trésor caché dans un champ : l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau » (Mt 13, 44). Il le cache pour acheter le champ : vous pouvez être sûrs qu’il va ensuite fièrement le montrer. « C’est notre fierté Seigneur d’avoir en toi notre Créateur et notre guide » disait la prière d’ouverture dimanche dernier. L’objectif n’est pas de montrer son intelligence, ni son corps, ni sa foi ! Mais de faire profiter les autres de nos découvertes.
Comment nourrir sa foi ? D’un mélange de Bible et de silence. Les deux : une lecture modique et quotidienne de la Bible – l’Eglise fournit le dosage à la messe de chaque jour, un passage d’évangile précédé d’une lecture de l’Ancien ou Nouveau Testament et d’un psaume. Pour ceux qui ont du mal à lire : chapelet, méditation des mystères du Christ. Et pour tout le monde un temps de silence et d’arrêt. Nourriture quotidienne de la foi : le Christ, le silence. Si pas de silence, pas de foi. Le silence est le lieu de rencontre de Dieu.
Du calme, de la nourriture et de l’exercice. Je ne parle pas de la façon dont notre foi estéprouvée quoi qu’on en veuille par les épreuves de la vie. Mais de la façon dont nous l’aurons préparée, fortifiée, confrontée au monde, par des rencontres et des discussions, avec d’autres croyants et des non-croyants, en ayant assez d’humilité devant nos faiblesses.
Je ne sais pas si la vie est dure mais l’éducation de la foi est de nous y préparer. Les baptisés qui disent qu’ils ont perdu la foi oublient que les dons de Dieu sont pour toujours : « les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance » (Rm 11, 29). Ce que Dieu donne, Dieu ne le reprend pas. Ces baptisés ont en réalité perdu une ou des batailles, ont été envahis, annexés par une puissance étrangère, perdant une partie de leur souveraineté. La question n’est pascomment faire pour garder la foi mais comment faire pour résister, ne pas nous laisser « mener à la dérive par tous les courants d’idées » (Eph 4, 14). Pour que notre foi soit centrée sur le Christ, et non diluée par toutes sortes de sollicitations et mêmes d’enseignements multiples de l’Eglise.
Le Père Caffarel disait : « Ou bien le christianisme fera la conquête du monde en priant, ou bien il périra » (‘Présence à Dieu. Cent Lettres sur la prière’. Cité par le cardinal Sarah dans ‘Catéchisme de la vie spirituelle’). La prière rend notre foi un peu plus compétitive, et il faut qu’elle le soit, nourrie des enseignements du Christ, avec une alternance de rencontres pour la fortifier et de silence pour les digérer.
« L’homme a une belle fonction, celle de prier et d’aimer, disait le saint Curé d’Ars. Vous priez, vous aimez, voilà le bonheur de l’homme sur terre », et la meilleure façon de garder la foi.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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