Le Lavement des pieds le Jeudi saint est un envoi en mission.
On en a fait la fête des prêtres, avec ce juste rappel fraternel qu’il leur faut suivre le Christ venu pour servir et non pour être servi, renoncer au pouvoir et aux honneurs, et non seulement on s’aperçoit que cela ne suffit pas pour endiguer le cléricalisme, au contraire même ! on le favorise d’une certaine manière, et qu’on ne s’étonne pas après si tant de Chrétiens pensent que la Mission est l’affaire des prêtres et des consacrés …
Le Jeudi saint est la première de trois Pentecôte, trois dons de l’Esprit-Saint. La deuxième est le soir de Pâques quand Jésus ressuscité souffle sur ses disciples, et leur donne le pouvoir de rémission des péchés. La 3ème, la bien-nommée, cinquante jours après Pâques, les délivre de toute peur et sonne le temps de l’Eglise, son envoi en mission.
Il commence au lavement des pieds.
La fête des prêtres au Jeudi saint est la Messe chrismale le matin, pas la sainte Cène le soir. C’est le matin à la messe chrismale que prêtres, évêques et diacres renouvellent leur promesse de fidélité au Christ. Mais le soir, la sainte Cène avec le lavement des pieds envoie tous les baptisés en Mission, dont je voudrais relever trois aspects essentiels.
D’abord, la Mission suppose la compassion, comme Jésus devant les foules sans berger, sachant que cette compassion est « une étincelle initiale » pour reprendre l’expression de Benoît XVI sur l’amour. Au cours du repas, Jésus se lève, interrompt les conversations, et pose ce geste d’esclave qui prenait place avant le début du repas, à l’entrée dans la maison … Remarquable est la réaction de Pierre devant cette inversion des rôles, du Maître qui se fait serviteur, il est très choqué, affecté : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! », en termes modernes : ‘c’est très blessant pour moi’. Le plus souvent, cela se conjugue au passé : ça m’a blessé. Et la réponse de Jésus rappelle sa parole du début du Carême, à la première des Tentations : l’homme ne vit pas que de pain. L’homme ne vit pas que d’affects.
Non, l’homme ne vit pas que d’affects, et c’est parce qu’ils n’y font pas attention que tant de baptisés ont tant de mal à être fidèles aux sacrements, et que nous sommes si peu disponibles pour la Mission. La façon dont nous nous laissons envahir par nos affects se répercute dans notre prière au point de préférer être seuls dans le calme d’une église … avec le danger de nous retrouver davantage avec notre ego qu’avec le Seigneur. ‘Trop d’affects’ signifie en réalité ‘trop d’ego’.
S’il s’agissait vraiment d’affects, ils seraient plus variés, et pas seulement tournés vers ceux qui nous ressemblent : ‘Oh la la, et si ça m’arrivait à moi ?!’. Ce n’est pas ça la compassion.
Nous avons tous besoin d’amour, d’affection au singulier, parce que d’affections au pluriel nous en débordons, alors que la première canalise les seconds : l’amour de Dieu est la meilleure façon de réguler nos affections.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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