Sept : sept personnes sont citées dans ces deux premiers versets du chapitre 3 de l’évangile de saint Luc, qui rappellent un peu le début de l’évangile de la nuit de Noël quand « parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie » (Lc 2, 1-2).
Sept noms : Tibère l’empereur, Pilate le gouverneur, Hérode le roi, Philippe son frère, Lysanias un autre de ses frères, Hanne et Caïphe les grands prêtres, sept personnes auxquelles s’ajoutent deux autres : Jean le Baptiste et Zacharie son père. Soit un total de 9, signifiant l’attente du 10ème : Jésus le Christ.
Qu’est-ce que ces sept noms apportent au récit, sinon des repères historiques, la plupart disparaissent ensuite. Ils ont vécu à la même époque : c’est la raison de leur souvenir. Nous nous situons ainsi les uns les autres, qui vivons à une époque donnée de l’histoire, dans une suite de générations. Un psaume le dit, typique de la sagesse biblique : « L’homme ! ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit : dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore. Mais l’amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, et sa justice pour les enfants de leurs enfants, pour ceux qui gardent son alliance et se souviennent d’accomplir ses volontés » (Ps 102, 15-18). Et saint Pierre le reprend dans le Nouveau Testament : « Toute chair est comme l’herbe, toute sa gloire, comme l’herbe en fleur ; l’herbe se dessèche et la fleur tombe, mais la parole du Seigneur demeure pour toujours » (1 P 1, 24-25).
Chaque fois que nous nous définissons ainsi, d’une génération qui passe, nous disons vrai sur le plan humain, mais nous omettons la promesse de Dieu, ce que dit le Prologue de saint Jean sur ceux qui croient au Christ : « ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme ; ils sont nés de Dieu » (Jn 1, 13).
Dieu est Amour. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu.
Le croyez-vous ? Que nous sommes nés de Dieu ? Et que nous avons à sortir, par le haut, d’une vision étroite de l’existence réduite à la descendance humaine et l’ascension sociale, pour vivre d’une descendance spirituelle qui s’appelle la Grâce et monter au Ciel dans la Gloire. Descendance humaine et ascension sociale, un foyer et une carrière, ne sauraient masquer la venue parmi nous du Fils de Dieu venu nous emmener avec lui dans la Gloire.
Depuis dimanche dernier, nous utilisons une nouvelle traduction du Missel qui a pour but de rendre les prières de la messe plus proches du texte latin. La modification la plus forte n’est pas la plus réussie qui demande que dans le grand Credo de Nicée Constantinople nous ne disions plus du Christ qu’il est « de même nature de le Père » mais « consubstantiel au Père ». Le Christ est de même substance que le Père.
Quelle différence entre de même nature et de même substance ?
Les neuf hommes de l’évangile de ce dimanche sont de même nature. On disait jadis de même race, mais les horreurs de l’histoire interdisent d’utiliser ce mot. Espèce humaine n’est guère élégant. Nous sommes de même nature. D’âge et de sexe différent, hommes ou femmes, de générations différentes, jeunes ou anciens, de cultures différentes mais de même nature. Arrête ! je suis un homme comme toi, dit Pierre à Corneille (Ac 10, 26), puis Paul et Barnabé lorsque leurs vis-à-vis sont tentés de faire d’eux leurs dieux (Ac 14, 25). Cette tentation, qu’on nomme cléricalisme, est de l’idolâtrie. Adorer ce qui n’est pas Dieu.
L’idolâtrie est la cause de la mort de Jésus sur la Croix, et la raison de sa venue parmi nous. Dieu s’est fait homme pour que les hommes sachent qui est Dieu. Aucun d’entre eux
Eh, toi, qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! (Mt 27, 40). Si tu es Dieu.
La contemplation de la Croix, la méditation de la Passion, impliquent celles de la Crèche et de la Nativité, pour savoir qui est Dieu, et jusqu’où va l’amour.
J’ai le pouvoir de donner ma vie, dit Jésus, un pouvoir humain, nous pouvons tous donner notre vie. Mais il ajoute : « et de la reprendre », pouvoir divin, selon l’ancienne traduction qui rappelait ainsi qu’il est Dieu, le Maître de la vie, tandis que la nouvelle traduction dit : « et de la recevoir de nouveau », qui annonce sa Résurrection (Jn 10, 18). Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, ce Christ que vous aviez crucifié.
Recevoir la vie de nouveau s’appelle « naître d’en haut ».
Vrai homme et vrai Dieu, Jésus unit les deux natures humaine et divine, mortelle et éternelle, et il a voulu passer par la mort pour en briser le mur, se donnant à nous pour nous emmener avec lui dans la Gloire. Voilà pourquoi nous venons à la messe recevoir la Parole de Dieu et le Pain de la Vie : l’hostie consacrée est de la substance même de Dieu. Le Corps du Christ : la substance de Dieu ! Amen ! Je le crois !
Que signifie ‘préparer le chemin du Seigneur, rendre droits ses sentiers’, sinon vouloir en communiant au Corps du Christ que l’amour du Père soit la substance de notre vie.
Le voulons-nous ? Voulons-nous que l’amour du Père soit la substance de notre vie ?
Notre Père …
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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