Messe pour demander le Pardon
Sur la plage cet été – peut-on évoquer de tels souvenirs en ces jours de pénitence : le soleil, les vacances, la mer ? –, à la toute fin de l’été, pour un mariage, j’ai rencontré une jeune femme, amie d’amis, nièce d’un paroissien. Célibataire, approchant la quarantaine, elle avait travaillé comme une folle pendant quinze ans, elle s’était éclatée, avait récolté assez d’argent pour s’acheter un appartement, et elle avait fait un break, pris une année sabbatique pour réfléchir à sa vie, trouver un travail qui ait du sens. L’année touchait à sa fin. Elle allait devoir revenir sur le marché du travail. Elle se demandait si elle n’allait pas retourner à son activité passée. Comme les apôtres, dont Jacques et Jean, les fils de Zébédée, après la mort de Jésus : « Simon-Pierre leur dit : Je m’en vais à la pêche. Ils lui répondent : Nous aussi, nous allons avec toi » (Jn 21, 3). Ils partirent et montèrent dans la barque et cette nuit-là, ils ne prirent rien. Après trois années sabbatiques, peut-être qu’ils avaient perdu la main, ou leur cœur n’y était plus. Vous vous souvenez : Jésus était là, sur le rivage.
J’ai vu des frères prêtres, religieux, des sœurs consacrées retourner à la vie civile, se remettre sur le marché du travail : c’est dur. Beaucoup ont pris de mauvaises habitudes : dans l’Eglise, nous ne sommes pas très professionnels. L’Eglise n’est pas compétitive. Mais elle sera encore là dans cent, deux, trois cents ans, quand tout ce qui est aujourd’hui à la pointe aura disparu. Les puissances de la mort ne l’emporteront pas sur elle (cf. Mt 16, 18).
Qu’est-ce qu’un travail qui a du sens ? Par le passé, on aurait dit vertueux, pas seulement utile économiquement, pour soi, sa famille, la société, mais bon pour les autres, pour la planète, éthique et écologique.
Jacques et Jean travaillaient avec leur père quand Jésus les avait appelés : ils l’avaient laissé avec ses ouvriers (Mc 1, 20). Ce modèle familial a sûrement joué dans leur idée qu’on vient d’entendre – de se placer et de diriger avec Jésus dans la gloire. Dans l’évangile de saint Matthieu, c’est leur maman qui intervient : « la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande (Mt 20, 20). Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume ».
Mercredi, nous avons eu une réunion de préparation au mariage sur ce thème de la relation aux parents et aux familles et le conseil que nous donnons aux fiancés est de se mettre au clair sur leur modèle d’origine et leur liberté. Comme dans l’Eglise : la gratitude n’empêche pas la vérité. Au contraire.
Qu’est-ce qu’un travail vertueux ? La difficulté de cette jeune femme était de n’avoir jamais eu d’engagement social. Elle ignorait – certains diraient la gratuité, d’autres à quel point c’est ingrat, et elle ne semblait pas prête à renoncer à son niveau de vie. Elle voulait s’occuper des autres et être bien payée … C’était l’évangile de dimanche dernier, du jeune homme riche. Le travail est vertueux quand les hommes le sont, quand les personnes avec qui on travaille cherchent à l’être. L’activité en soi importe moins que le mode de relations les uns aux autres, l’estime du patron, la relation de confiance et si possible d’admiration.
C’est le problème quand le patron change : on a été habitué à une façon de travailler et le nouveau vient tout bouleverser, critiquant tout ce qu’on faisait avant lui. Le changement est difficile, mais en cas de faillite, il est vital !
Que dit le Christ aux fils de Zébédée ? Ce que leurs parents auraient dû leur enseigner : le prix à payer. Une sorte de règle d’or inversée : « la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi de mesure pour vous » (Lc 6, 38). C’est à la façon dont vous traiterez les autres que vous serez traités.
Votre ambition est belle : quels sont les moyens et les chemins que vous prenez ? L’enseignement de Jésus n’est pas un manifeste politique, ni une remise en cause du principe hiérarchique et d’autorité, mais un appel à la charité et à la fraternité.
Le défaut de la demande des fils de Zébédée n’est pas d’être ambitieuse. Ah si nous avions tous cette ambition d’être auprès du Christ pour l’éternité ! Mais pas pour régner ! Pourquoi les autres sont-ils indignés ? Parce qu’ils sont aussi égoïstes que nous, avec autant de mal à comprendre que le Fils de l’homme n’est pas venu pour siéger et être servi. Avant de se lever d’entre les morts, il s’est levé, au dernier repas, pour laver les pieds de ses disciples.
Dans la religion chrétienne, le travail a du sens quand les grands sont au service des petits.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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