Messe pour le Pardon des Péchés
Le prêtre, le Père du Foyer, un gros bonhomme autoritaire et sentencieux, les faisait venir dans son bureau, elle et sa sœur. Elles l’ont dit à leurs parents : ils ne les ont pas crues. Le papa est quand même allé voir le prêtre qui a dit non, bien sûr que non. Plus tard, quand elle s’est mariée, elle l’a raconté au prêtre qui la préparait au mariage. Lui non plus ne l’a pas crue et n’a pas fait plus attention. Après le mariage, elle est retournée voir le Père du Foyer. Elle lui apportait un petit cadeau : ‘Oh comme c’est gentil, qu’est-ce que c’est ?’. Il a ouvert : une petite boite et dedans, un petit tas de cendres. ‘Voilà ce que vous avez fait de ma vie’. J’ai pleuré avec elle. Je lui ai demandé pardon au nom des prêtres.
Je ne sais pas quelle est notre plus grande faute, la pire de nos fautes : ne pas avoir écouté ni protégé des petits, pour certains d’avoir pensé que c’étaient des crimes comme les autres, que les enfants allaient oublier, qu’il valait mieux garder cela secret comme dans les familles … Non, ce ne sont pas des crimes comme les autres : ce sont des crimes contre l’humanité. Les abus sexuels sur enfants sont des crimes contre l’humanité et doivent être frappés d’imprescriptibilité.
Peu importe que ce soit dans les familles qu’il y en ait le plus. Peu importe qu’il y en ait dans tous les milieux et toutes les structures qui s’occupent d’enfants : dans l’Eglise, c’est encore pire. L’horreur et la honte n’est pas seulement que l’on ait recensé dans l’Eglise en France entre 1950 et 1970 deux fois plus de pédocriminels qu’ailleurs, mais que ça continue, qu’ils n’aient pas disparu. L’évangile de ce dimanche porte la question : « Qui peut être sauvé ? ». Elle en appelle une autre : Qui sera damné ? De ces criminels, et ceux qui les auront laissé faire.
L’irréversibilité est ce que la plupart des victimes ont connu : un traumatisme irréversible, comparable en partie à celui des victimes d’attentat. Ou de la Shoah
Que faudra-t-il encore pour que vous croyiez au Diable et à l’enfer
Que faudra-t-il pour que vous retrouviez confiance en l’Eglise ?
L’irréversibilité est ce que le Christ demande à cet homme riche qui se présente à lui : « va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ». Comme Loth (Gn 19) : si tu veux être sauvé, va, et ne reviens pas en arrière. Saint Paul et les Lettres du Nouveau Testament insistent sur cette interdiction pour ceux qui ont rencontré le Christ de revenir aux penchants d’autrefois « quand vous ne connaissiez pas le Christ ».
Saint Paul utilise une expression terrible qui parle de « crucifier le vieil homme » (Rm 6, 6)
Au lieu de cela, certains d’entre nous ont choisi délibérément de trahir le Christ. « Il aurait mieux valu pour eux qu’ils ne soient pas nés, ces hommes-là » (Mc 14, 21).
Face à l’horreur, il faut arrêter la componction, et être sans concession. Prêtres, évêques, religieux, laïcs, parents, nous sommes tous appelés à prendre nos responsabilités : entrer en guerre contre toute forme d’indulgence et de passivité.
Si vous avez connaissance d’un seul agissement coupable à l’égard d’un enfant, n’écoutez pas le Diable qui vous dit que l’enfant va oublier, que l’abuseur s’est égaré. Ne vous enfuyez pas : dites-le, à temps et contre-temps, hurlez-le, n’abandonnez pas. Croyez-le : Justice sera créée.
Pour l’heure, restons avec Marie au pied de la Croix.
Stabat Mater dolorosa
juxta crucem lacrimosa
dum pendebat Filius – Christus.
Notre-Dame des Douleurs se tenait là,
en larmes au pied de la Croix,
alors qu’on martyrisait son Fils Jésus Christ.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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