Ce 5ème dimanche de carême est celui de la confrontation à la mort.
Le 1er dimanche de carême est la victoire sur les Tentations, le 2ème dimanche, la beauté de la Transfiguration. Le 3ème, l’importance de l’Adoration : l’évangile de référence est la Samaritaine (Jn 4) qui demande sur quelle montagne adorer. Jésus répond ‘en esprit et en vérité’, et il expulse les vendeurs du Temple pour laisser la place aux vrais adorateurs. Le 4ème dimanche est la joie de l’illumination. L’évangile de référence est la guérison de l’aveugle-né (Jn 9). Vivons en enfants de lumière.
Ce 5ème dimanche est celui de la confrontation à la mort. L’évangile de référence est la résurrection de Lazare (Jn 11). Elle déclenche la mort de Jésus. Nous venons d’entendre son angoisse : mon âme est bouleversée, expression surprenante quand on sait qu’il va demander à ses disciples de ne pas être bouleversés. Que votre cœur ne se trouble pas (Jn 14, 1).
Notre angoisse face à la mort est naturelle et légitime. Comment en sortir autrement que par le doute, le déni ou la fuite ? En cette année saint Joseph, au surlendemain de sa fête, invoquons saint Joseph patron de la bonne mort, même si l’expression laisse à désirer.
Saint Joseph était un homme juste, un homme calme et sage qui ne se laissait pas déborder par ses émotions, qui ne se mettait pas en colère face au mal et à l’injustice. J’ai de fréquentes discussions sur l’idée d’une sainte colère. En vérité, il n’existe pas de sainte colère pas plus qu’il n’y a de sainte luxure, de sainte paresse, de sainte gourmandise, de sainte avarice, ou de saint orgueil ! Lorsque François d’Assise, furieux d’être traîné au tribunal par son propre père, se met tout nu ! ce n’est pas à imiter. De la même façon qu’il y a de saines réactions d’orgueil, il y a de saines colères, saine pour la santé, pour ne pas se rendre malade, dans certains cas se soustraire à l’oppression, recouvrer sa liberté.
Au Temple, Jésus ne s’est pas emporté. L’amour ne s’emporte pas. Il a posé un acte symbolique et prophétique, parfaitement maîtrisé, demandant aux marchands de colombes d’enlever cela d’ici. Ceux qui étaient là l’ont bien compris : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? ».
Une sainte colère ? Il ne nous suffit donc pas de béatifier les défunts les plus impies, d’envoyer au Ciel des personnes qui ont vécu toute leur vie comme si Dieu n’existait pas, il faut en plus que nous béatifiions les péchés ?
Saint Joseph aurait pu se mettre en colère après trois jours passés à chercher Jésus resté au Temple sans prévenir quand il avait douze ans. Il n’a rien dit, il a laissé parler Marie : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » (Lc 2, 48)
Devant la mort, Jésus ne s’est pas mis en colère. Il a éprouvé frayeur et angoisse. Il a prié pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui.
Il a connu la tristesse infinie de la séparation. « Mon âme est triste à en mourir ».
Devant la mort de Lazare, Jésus a pleuré. Pourtant, quand il a appris que son ami était malade il est resté deux jours encore à l’endroit où il se trouvait : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié » (Jn 11, 4). Cela vaut pour nous si nous avons foi en lui : notre vie ne s’arrête pas à la mort. Elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié.
Ce vendredi 19 mars nous avons fêté saint Joseph époux de la Vierge Marie. Saint Joseph est le patron de la bonne mort parce qu’il est comme Jésus, jamais seul. « Voici que l’heure vient où vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi » (Jn 16, 32). Saint Joseph est en famille, au travail, en prière. Il n’est pas bon que l’homme soit seul : il lui faut avancer avec les autres, au rythme d’autres que lui-même, accepter de suivre d’autres rythmes que le sien, en un mot sortir de son temps propre, perso, à lui, pour ouvrir son cœur à Dieu. Cela nous ramène au sujet précédent (de la colère) : prendre du temps pour soi peut être bon pour la santé, pas pour la sainteté. Pour la sainteté, il faut prendre du temps pour Dieu.
Dans tous les couples que je connais, il y en a un qui est lent et l’autre plus rapide, cela dépend des sujets. La sainteté du mariage vient de cette différence de temporalités entre l’homme et la femme. Saint Joseph était plutôt lent, saint, sage et lent, et Marie réactive. De l’Annonciation à sa visite chez Elisabeth, elle est aérienne, céleste, portée par son Cœur immaculé. Joseph est un terrien, charpentier, et Marie lui est confiée pour l’aider à s’élever, sortir de lui-même, mourir à lui-même.
Nous sommes des êtres lents, longs à relever, purifier, sanctifier. Que la conversion, que la sagesse prend du temps
Le vendredi pendant l’année, je dis la messe « pour demander la grâce d’une bonne mort ». Sa prière après la Communion vaut pour la messe de ce dimanche :
« Tu nous donnes Seigneur, en cette eucharistie, de communier au Corps du Christ ressuscité ; nous te supplions de nous tenir en sa grâce quand l’angoisse de mourir viendra nous prendre : que Jésus nous accompagne comme un ami au chemin qui débouchera sur ta Gloire ».
Il est l’Ami qui a vécu ce que nous vivons, en toutes choses excepté le péché. Il est venu nous ressusciter.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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