Si le monde était bien fait, nous ne demanderions pas d’offrande c’est-à-dire d’argent aux familles qui viennent pour un enterrement : nous ne sommes pas une entreprise de pompes funèbres. Pas plus que nous n’en demanderions pour un mariage ni pour un baptême. On ne parlerait plus dans l’Eglise de cette contribution financière qui s’appelle le casuel, et le mot veut tout dire qui vient du latin casualis, fortuit : qui peut arriver ou non, selon les circonstances et suivant le hasard, comme si ces grandes étapes de l’existence, le baptême à la naissance, l’amour et la mort, relevaient du hasard.
Si le monde était bien fait, les frais occasionnés par ces célébrations seraient couverts par l’assemblée présente : c’est le principe de la quête. Parfois je demande aux fiancés qui se marient en province quelle est ‘l’offrande’, le casuel fixé par la paroisse d’accueil et je suis horrifié, alors que chacun sait que les quêtes de mariage sont des plus généreuses ! Je connais l’argument de mes confrères : ils ne voient pas pourquoi ils n’auraient pas leur part du gâteau sur le budget d’un mariage. Ils ne voient pas la différence entre les festivités qui suivent où les invités sont reçus par les mariés et leurs parents, et la célébration religieuse où nous sommes rassemblés par Dieu pour participer à son œuvre : annoncer le don gratuit de son amour.
Si vous avez le sentiment de ne pas assez participer à la messe, donnez davantage à la quête.
Quand Jésus dit au lépreux purifié d’aller se montrer au prêtre chargé d’attester de sa guérison et de l’autoriser à réintégrer la communauté, et de donner pour sa purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi, vous comprenez bien qu’il ne s’agit pas d’une offrande qui le dispenserait ensuite de se conformer à la Loi !
Mon rêve, si le monde était bien fait, serait de répondre aux familles qui me demandent combien ? – je vous dois combien docteur ? pardon mon père ? – mon rêve serait de pouvoir prescrire, comme un médecin, combien de temps ils doivent donner au Seigneur :
Vous irez à la messe tous les dimanches pendant un an. Vous vous confesserez pour Pâques, et vous communierez si votre état de vie le permet. Vous ferez le Carême en communion avec toute l’Eglise, et vous ferez un jour de jeûne, au début et à la fin, le Mercredi des cendres et le Vendredi saint, en pensant à tous ceux qui ont faim. Et vous verserez un petit pourcentage de vos revenus avant la fin de l’année fiscale. Voilà ce qui est prescrit par la Loi de l’Eglise. Ce n’est quand même pas très compliqué.
Et ça n’enlève rien à l’amour de Dieu dont la caractéristique est la gratuité. Comme le dit saint Paul dans la 2ème lecture, pour imiter le Christ, nous n’avons rien à faire que de nous adapter à tout le monde sans chercher notre intérêt personnel (1 Co 10, 31).
Lorsque le lépreux a été purifié, Jésus l’a renvoyé avec fermeté en lui disant de ne rien dire à personne, et l’homme a fait le contraire, en le proclamant à tout le monde. Dans mon enfance, on aurait dit qu’il faisait ça pour se rendre intéressant. Résultat, Jésus s’en est trouvé entravé dans sa mission, parce que le miracle suscite la curiosité et l’envie.
Ce n’est pas cela que Dieu attend, mais la forme la plus haute de la gratitude que nous nommons fidélité.
« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » (Ps 115).
« J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur » : j’irai le dimanche à la messe et je prierai tous les jours. Et le Psalmiste ajoute par deux fois : « Je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple ! ».
Je suis certain, même si je ne l’ai pas vérifié, que nous tous ici présents à la messe, nous sommes là parce que Dieu a fait quelque chose pour nous. Je dirais même que pour chacun de nous, à un moment précis de notre vie, l’amour de Dieu s’est manifesté : « la vie s’est manifestée » dit le Prologue de la 1ère Lettre de saint Jean. Le Seigneur est venu à notre secours. Il est notre Sauveur.
Nous n’avons pas besoin de le raconter dans le détail : c’est notre intimité, et le Seigneur ne veut pas que nous en témoignions autrement que par notre fidélité.
Attention, ne dis rien à personne, réintègre ta communauté : ne sois pas ingrat sois croyant et pratiquant, homme et femme de prière. Cela sera pour les gens le meilleur témoignage : laisser de la place à la prière dans sa vie.
Mes amis, quand vous dites à quelqu’un qui est dans l’épreuve : je vais prier pour toi, je prie pour vous, la personne sait si c’est vrai. Et si c’est vrai, elle le croit. Et notre mission est de faire alors ce que nous avons dit, de nous unir le dimanche à la prière de l’Eglise, voilà ce que le Seigneur attend de nous : que nous soyons unis à Lui.
Jésus n’a pas guéri ce lépreux pour qu’il se répande, fût-ce en louanges et en l’occurrence ça n’en était pas puisque Jésus lui avait interdit. L’homme pécheur aime les plaisirs interdits ; Dieu n’aime pas qu’on se serve de Lui : Tu n’invoqueras pas à tort le nom du Seigneur, tel est le 2ème commandement de la Loi.
Jésus a guéri cet homme pour qu’il se retrouve en lui-même et réintègre l’assemblée des saints. Si le monde était bien fait, cet homme guéri, nous le laisserions tranquille, et nous irions comme lui supplier Jésus-Christ.
Bonne nouvelle ! Le monde est bien fait, Jésus-Christ.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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