Vous aviez vu dimanche dernier ici les fleurs, magnifiques : je venais de célébrer les obsèques d’un garçon de 21 ans que tous ceux qui le connaissaient appelaient un ange, beau, blond, souriant, charismatique, aérien, flottant. D’habitude, je n’aime pas qu’on parle d’un ange pour un être humain, parce que les anges ont une définition précise : ce sont des créatures spirituelles, des esprits invisibles, sans corps, par différence avec nous qui sommes des créatures corporelles et temporelles, tandis que l’ange entre dans l’instant de sa création dans l’éternité : il entre au service de Dieu, avec Lui ou contre Lui, contre Lui c’est un démon, avec Lui les anges sont des êtres merveilleux de douceur et d’attention. Pour une fois le terme s’appliquait à ce jeune homme dont tous témoignaient qu’il était spécial, car c’est une autre caractéristique des anges : chaque ange constitue sa propre espèce. Pas deux pareils. Comment les reconnaît-on alors ? Attendez voir, si vous me permettez.
L’ange Gabriel, dont le nom signifie Dieu est ma force, fut envoyé chez la Vierge Marie à Nazareth. Il est entré chez elle et l’a saluée en des termes qui l’ont bouleversée. A vrai dire, nous ne pouvons pas savoir ce qui l’a bouleversée : la visite d’un ange ou le titre qu’il lui a donné : Comblée-de-grâce, Pleine-de-grâce, dont aucune créature ne saurait se prévaloir.
Plénitude est le nom, un des noms de Dieu, plérôme en grec, dont l’utilisation la plus célèbre se trouve dans cette exhortation de saint Paul : « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur … Vous connaîtrez ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu » (Eph 3, 17-19).
On comprend que Marie soit bouleversée : que pouvait-elle savoir, à ce moment-là de sa vie, de l’amour du Christ ?
Elle adorait Dieu. Au point de ne pas répondre à l’ange : Pourquoi, et encore moins pourquoi moi ? C’est une différence entre aimer et adorer. L’amour a besoin de comprendre tandis que l’adoration se contente de contempler. Quand on aime, on est à égalité ; quand on adore, on se laisse porter. Marie avait suffisamment de respect, et de foi, pour ne pas dire au Seigneur : Pourquoi ?
Elle demande : Comment ? « Comment cela va-t-il se faire », ajoutant « puisque je ne connais pas d’homme » alors qu’elle est promise en mariage ! Pour une grande part de la Tradition de l’Eglise, cela s’explique par le vœu que Marie avait fait, si Joseph en était d’accord, de se consacrer entièrement au Seigneur.
Une de mes fiancées est venue me voir très embarrassée parce qu’elle n’a pas envie d’avoir d’enfant. Elle ne rêve pas d’être mère et elle voulait savoir si ce manque de désir de maternité est conciliable avec un mariage religieux. Elle n’y est pas opposée, mais pas emballée.
Je l’ai reçu comme un signe de Dieu sur l’Annonciation.
Et après son départ, et notre discussion, j’ai refait mon homélie. Initialement j’avais prévu de vous proposer de méditer sur ce que Marie faisait quand l’Ange est entré chez elle : était-elle en train de prier ? comme on la représente : les yeux baissés, recueillie, toute en intériorité. Nous sommes marqués par l’évangile de Marthe et Marie, même si ce n’est pas la même Marie : elle est assise aux pieds du Seigneur tandis que sa sœur s’active en cuisine.
Ou était-elle absorbée par les tâches du quotidien, ce qui fait qu’elle a été bouleversée en entendant la voix de l’Ange, ne le voyant pas ni ne l’ayant vu venir. Rappelez-vous quand Jésus, avant sa Passion, dit que son âme est bouleversée. Du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé » (Jn 12, 27-29).
Un ange peut se rendre visible mais habituellement l’apparition est intérieure : on entend une voix. Rappelez-vous Paul sur le chemin de Damas quand une lumière du ciel l’a enveloppé de sa clarté et qu’il fut précipité à terre : il entendit une voix. Ses compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient la voix, mais ils ne voyaient personne (Ac 9, 3 …7).
Mes amis, nous entendrons tous un jour la voix du Seigneur, si cela ne vous est pas déjà arrivé. Elle viendra la plupart du temps contrecarrer nos plans, et surtout corriger notre idée de l’amour de Dieu.
Alors que tout est peut-être déjà organisé pour vous pour Noël, sans doute un peu moins cette année, demandez-vous, si vous voulez le vivre différemment, quelle idée vous vous faites de l’amour de Dieu : est-ce que vous croyez qu’il peut venir vous visiter, bouleverser votre vie ? Est-ce que vous l’accepterez ?
Je ne suis pas un ange et je n’ai pas d’annonce à vous faire, mais prêtre de Jésus-Christ et enfant de Marie, je vous fais cette promesse que l’amour de Dieu viendra vous visiter.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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