Mehdi, Fanny, Hélène, Fanny, Julie, Sonia, Maeva, Grégory, Alexia, Shengji. Tels sont, par ordre alphabétique de leur nom de famille, les trois hommes et sept femmes, de 22 à 43 ans, moyenne d’âge 34 ans, majoritairement mariés et parents, 10 Catéchumènes qui recevront le baptême, la confirmation et la 1èrecommunion dans cette église à la Vigile de Pâques, samedi 11 Avril 2020.
La plupart d’entre eux réalisent un rêve de jeunesse ou d’enfance. Ils ont grandi dans un pays de culture chrétienne, certes sécularisée, privée de Dieu mais imprégnée de christianisme, de valeurs chrétiennes. Qu’ont-ils découvert un jour ? La transcendance. Le sacré.
C’est l’inverse du temps de Jésus où tout le monde était imprégné de transcendance et de merveilleux, mieux de ‘numineux’. Le mot n’est pas dans mon dictionnaire : il y a numerus clausus, numismate, nunchaku et nuoc-mâm, mais pas numineux, terme créé en 1917 par Rudolf Otto pour désigner l’expérience personnelle du sacré, à partir du latin numenla puissance agissante de la divinité. C’est la volonté de Dieu, même si on la rattache à ce que la Bible appelle la crainte de Dieu, un des sept dons du Saint-Esprit, répété par Isaïe dans la liste que nous entendions au 2èmedimanche de l’Avent.
La sagesse commence avec la crainte du Seigneur. Les contemporains de Jésus, des Apôtres et des évangiles avaient le sens et la crainte du sacré, ils en avaient même une certaine terreur. La réaction de Pierre est symptomatique lors de la pêche miraculeuse : éloigne-toi de moi Seigneur, car je suis un homme pécheur ! Juste réflexe de protection : tenir le sacré à distance.
Vous pourriez vous interroger sur votre relation au sacré – l’expression est impropre car le sacré n’est pas un objet mais une relation : quelles sont les relations qui sont sacrées pour vous ?
Que vous ne traitez pas à la légère, que vous n’avez aucun plaisir à voir se dégrader. Régulièrement, l’un ou l’autre d’entre vous me demande quoi répondre aux attaques ou aux critiques de la religion. Ne répondez pas quand il n’y a pas de respect ou de bienveillance. Il n’y a pas de dialogue possible quand il n’y a pas de respect, le premier degré du sacré.
Le sacré n’est pas un objet mais une relation, qui était inaccessible ou impersonnelle, disons ‘dure’ avant le Christ. Tout au long de l’Ancien Testament, la même recommandation se répète : tu n’y toucheras pas, avertit Moïse sur ordre du Seigneur avant de recevoir les tables de la Loi sur la montagne sainte : « Gardez-vous de gravir la montagne et même d’en toucher le bord. Quiconque touchera la montagne sera mis à mort. Personne ne portera la main sur lui ; il sera lapidé ou percé de flèches, homme ou bête, il ne vivra pas » (Ex 19, 12-13).
Quand, deux trois siècles plus tard, vers l’an mille avant le Christ, David ramena l’Arche d’Alliance à Jérusalem, on la chargea sur un chariot neuf. Un des deux hommes qui conduisaient ce chariot étendit la main vers l’arche de Dieu pour la retenir car les bœufs la faisaient verser : il fut foudroyé (2 S 6, 6). Cette crainte anime les Catholiques qui communient à genoux sur la langue, plutôt que de recevoir le Corps du Christ dans la main. Moi j’admire, et vous ? La dévotion sincère fait-elle votre admiration ? Posez-vous la question.
Demandez-vous comment vous vous situez entre ceux de l’ancien temps qui avaient le sens de Dieu et ont découvert avec Jésus sa douceur et sa présence en toute personne, et ceux qui sont aujourd’hui imprégnés des droits de l’homme et découvrent leurs devoirs à l’égard de Dieu. Comment ou quand devient-on croyant ? Quand on prend conscience qu’on doit la vie à Dieu, notre vie et l’hommage de notre vie : à Lui tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles.
Rendez gloire à Dieu ! Nous l’entendrons dans l’évangile de la guérison de l’aveugle-né, au 4èmedimanche de carême, lorsque les autorités religieuses s’inquiètent de sa loyauté : rends gloire à Dieu ! Que répond-il ? Comme Jean-Baptiste, il rend témoignage à Jésus ! Quel écart formidable entre ce qu’il y a de plus divin, la Gloire, et ce qu’il y a de plus humain, le témoignage. Souvenez-vous de la conclusion des Noces de Cana dans l’évangile de saint Jean : « Tel fut le premier des signes de Jésus, il l’accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (Jn 2, 11). Il faut les deux pour une conversion : que quelqu’un rende témoignage et que Dieu manifeste sa gloire.
A la fin de l’évangile de la Samaritaine, saint Jean dit que beaucoup de Samaritains de la ville crurent en Jésus et ils disaient à la femme qui était allée les chercher : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde » (Jn 4, 42). Comment l’ont-ils reconnu ?
Comme tous ceux qui demandent le baptême, comme Jean-Baptiste lui-même en rend témoignage : ils ont été touchés au cœur. L’expression est celle du jour de la Pentecôte, lorsque Pierre conclut son discours : « ‘Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié’. D’entendre cela, ils furent touchés au cœur. Ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : ‘Frères, que devons-nous faire ?’. Pierre leur répondit : ‘Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit’ » (Lc 2, 38).
En réalité, ils l’avaient déjà : c’est l’Esprit-Saint qui les avait saisis, ils n’avaient pas été transpercés du dehors. Tout être humain, par son humanité, a ce lien profond avec le Seigneur, qui ne demande qu’à renaître comme disait dimanche dernier un des enfants qui prépare sa 1èrecommunion. Quand l’Esprit-Saint se manifeste, toute personne, adulte ou enfant, peut découvrir ce qu’elle porte en elle-même, être touchée au cœur.
Au baptême de Jésus s’accomplit la promesse de la Visitation, où c’est dans le sein de leur mère, Marie et Elisabeth, que s’était faite la première rencontre de Jean et Jésus. Trente ans plus tard, Jean-Baptiste exulte de joie en reconnaissant en Jésus la plénitude de l’Esprit. L’Esprit lui fait reconnaître la plénitude de sa présence en Jésus-Christ : voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Au moment où le prêtre présente l’hostie à l’assemblée, puissions-nous être touchés au cœur, qui confessons notre crainte : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole, et je serai guéri.
Le Pape a voulu que dimanche prochain, 3èmedimanche du temps ordinaire soit le dimanche de la Parole de Dieu, un jour consacré à la Bible, en harmonie avec la semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui a lieu chaque année du 18 au 25 janvier. Il a signé le décret le 30 septembre en la fête de saint Jérôme le grand traducteur de la Bible, pour le 1600èmeanniversaire de sa mort, rejoignant celui que nous fêtons à Paris, le 1600èmeanniversaire de sainte Geneviève, patronne de Paris. Un tableau du Musée Carnavalet la représente debout devant l’hôtel de ville, lisant la Bible qu’elle tient d’une main, tandis que de l’autre main elle tient un cierge qui monte vers le ciel, d’où elle reçoit la lumière divine. Nous remettons à chaque personne un cierge au jour de son baptême : il figure la Parole de Dieu. Nous l’allumons au cierge pascal, de la résurrection, et c’est le plus beau cadeau que l’on puisse recevoir : la grande espérance de la vie éternelle.
Voilà pourquoi il est sain, lorsque vous priez chez vous, d’allumer une bougie, la lumière de la Parole et la lumière de votre baptême. Laissez l’Esprit vivre en vous, laissez-vous toucher au cœur, tomber amoureux du Seigneur.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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